
La qualité de l'air au bureau, un enjeu de santé et de productivité.
Température, humidité ou taux de CO2, comment améliorer la qualité de vie au travail grâce à ces données collectées ?
Je vous propose de déplier nos remarques en 3 parties :
- revelation : feedback sur un cas concret
- Confirmation : le calcul d'un coût
- Solution : déploiement d'un prototype
Avant de commencer, nous aimerions profiter de cette occasion pour remercier Bâtiment intelligent GA pour nous avoir confié un ensemble de données ainsi que pour l'autorisation de communiquer à ce sujet.

Révélation : retour sur un cas concret
Comme mentionné, 10h11 a eu l'occasion de travailler avec Bâtiment intelligent GA sur un ensemble de données d'un bâtiment ultramoderne équipé de capteurs permettant de mesurer la température, l'humidité et les niveaux de CO2.
Pour faciliter la prise de conscience liée à cette étude, je vous suggère de vous concentrer sur le niveau de CO2, qui nous a fourni les éléments de réflexion les plus convaincants. En effet, bien que l'humidité et la température ne soient pas des problèmes sanitaires majeurs dans les bureaux (voir références en fin d'article), les données du bâtiment d'étude concernant ces deux paramètres sont restées conformes aux normes sanitaires.
En revanche, le niveau de CO2 s'est avéré plus difficile à contrôler.
Nous avons analysé 42 environnements du bâtiment à l'étude. Par environnement, nous entendons les salles de réunion, les bureaux fermés, les open-spaces et enfin les espaces dits « diversifiés » (par exemple hall de réception)

Le tableau ci-dessous est difficile à lire, je suis d'accord. Chaque graphique représente un environnement étudié. Simplement, si vous regardez le nombre de photos qui dépassent la fameuse ligne rouge sur chaque graphique, vous comprendrez que le CO2 dépasse les 1 000 ppm. Cette valeur de « > 1 000 ppm » est considérée comme excessive, voire dangereuse à manipuler.
What is the ppm ?
Acronyme » ppm « signifie » Pieces per million ». Il s'agit d'une unité de mesure utilisée par les scientifiques pour calculer le niveau de pollution de l'air. Comme son nom l'indique, le ppm permet de connaître le nombre de molécules polluantes que l'on peut trouver dans un million de molécules d'air. Par cette mesure, cet indicateur permet de rendre compte de manière compréhensible de la quantité de pollution dans une masse d'air donnée et en même temps de l'impact néfaste de ces polluants sur l'atmosphère.
Alors pourquoi cette barrière rouge sur le graphique des 1 000 ppm ?
En 2016, Harvard a publié une étude scientifique dont l'objectif est le suivant :
Nous avons simulé les conditions de qualité de l'environnement intérieur (IEQ) dans des bâtiments « verts » et « conventionnels » et évalué les impacts sur une mesure objective de la performance humaine : la fonction cognitive d'ordre supérieur (source disponible en fin d'article).
Les résultats de l'étude incluent les paramètres suivants :
« Les scores des fonctions cognitives étaient inférieurs de 15 % pour la journée à teneur modérée en CO2 (~ 945 ppm) et de 50 % inférieurs pour la journée avec des concentrations de CO2 d'environ 1 400 ppm »
« En moyenne, une augmentation de 400 ppm de CO2 était associée à une diminution de 21 % des scores cognitifs d'un participant type dans tous les domaines après ajustement pour le participant »
Selon cette étude, les fonctions cognitives sont donc fortement impactées dans leurs performances lorsqu'un sujet se trouve dans un environnement soumis à un taux de ppm supérieur à 1 000 ppm.
Nous avons résumé le graphique précédent dans un nouveau graphique ci-dessous qui fait la moyenne des environnements :

Les bureaux (en haut à gauche), le divers (en haut à droite), le espaces ouverts (en bas à gauche) et salles de réunion (en bas à droite).
La barre rouge de 1 000 ppm est toujours présente.
Comme vous pouvez le constater, nous dépassons les 1 000 ppm dans une proportion significative au cours des heures de la journée dans chaque catégorie d'environnement observée.
Ainsi, les conditions de travail ne sont pas optimales ni même problématiques pour permettre des fonctions cognitives à 100 % aux employés de ce bâtiment.
Compte tenu de la modernité du bâtiment observé, on peut imaginer qu'il n'est pas le seul bâtiment au monde à souffrir d'un tel problème de niveau de CO2.
Alors, au-delà de l'aspect sanitaire, comment envisager cette question de manière économique pour l'entreprise ?
Confirmation : calcul d'un coût
Sur la base des éléments observés dans la partie 1 de cet article, nous vous suggérons de porter un regard économique sur le sujet. Nous savons que la question de la santé est importante pour les entreprises et les accélérations visant à les améliorer sont d'autant plus intenses lorsqu'elles permettent de réaliser des économies ou d'optimiser la rentabilité.
Ainsi, sur la base de l'étude menée, nous avons considéré le moment où le ppm était compris entre 1000 et 1400 et le moment où le ppm était compris entre 1400 et plus.
Sur cette base, nous avons appliqué les pertes de capacité cognitive mesurées lors de l'étude de Harvard (mentionnée précédemment) en tenant compte de cette perte attribuable à la productivité du sujet. En effet, lorsque vous êtes dans une salle de réunion, si vos capacités cognitives sont dégradées, l'objectif de la réunion ainsi que son résultat peuvent également être dégradés.
Si l'on considère un coût moyen par heure/salarié de 17€ (valeur par exemple), de 2,5 personnes en moyenne par réunion et si l'on applique la perte de capacités cognitives en proportion, cela nous donne les résultats suivants :

Au total, sur le bâtiment étudié, avec les paramètres mentionnés ci-dessus, le gain pour l'entreprise peut être de 1 000 €/mois par salle de réunion. Et ce, en plus d'améliorer la qualité de l'air.
Gain pour le salarié en termes de santé, gain pour l'entreprise en termes de productivité, cette analogie gagnante laisse espérer la création de solutions garantissant que le taux de ppm reste inférieur à 1 000.
Regardons le prototype conçu par les équipes 10:11.
Solution : déploiement d'un prototype
Certaines solutions existent évidemment dans le monde de l'IoT pour mesurer le CO2, la température et l'humidité dans une pièce. Cependant, une fois les mesures effectuées, rien ne se passe. Les employés n'en ont pas conscience et les données sont souvent stockées sans être exploitées.
L'intérêt des données réside dans leur exploitation. Les données doivent être un matériau à transformer en connaissances, et la technologie doit être le levier permettant de porter ces connaissances aux yeux du sujet intéressé.
Dans notre cas, le responsable d'un bâtiment souhaite évidemment avoir accès à ces connaissances mais ce sont surtout les utilisateurs du bâtiment qui doivent être informés en temps réel de ces connaissances, dans notre cas, du niveau de CO2.
En effet, lorsque ce niveau dépasse 1 000 ppm, il est bon de le savoir. Il est encore mieux d'utiliser ces connaissances pour les mettre dans les yeux de l'utilisateur présent dans la pièce en question afin qu'il puisse agir et réguler l'air de la pièce. Cela peut se faire en laissant la porte ouverte, en ouvrant une fenêtre si possible ou en démarrant la ventilation.

Lors de son prototypage, 10h11 a imaginé un appareil permettant de prendre des mesures dans chaque pièce concernée, le tout connecté à un tableau de bord permettant d'alerter ainsi que de suivre les mesures en temps réel.
De cette manière, l'utilisateur saurait en temps réel s'il se trouve dans une pièce nécessitant un ajustement du niveau de CO2 et quelles mesures prendre pour y remédier.
Le bâtiment prend la parole et prend soin de ses utilisateurs.

De toute évidence, une autre option technologique serait de passer d'une machine à l'autre, en veillant à ce que le système de régulation de l'air du bâtiment connaisse les niveaux de CO2 en temps réel et ajuste automatiquement la qualité de l'air en conséquence. Nous travaillons également sur cette hypothèse avec certains acteurs, mais tous les bâtiments ne possèdent pas encore l'architecture qui permet une machine à utiliser efficace.
Cette dynamique s'inscrit dans le mouvement que l'on pourrait appeler « API building », autrement dit, un bâtiment parle comme une API pour communiquer les informations dont il dispose. Cette métaphore permet de donner une vie informatique à un bâtiment et d'imaginer l'exploitation de ses données pour toute technologie autorisée.
Au vu des enjeux sanitaires ainsi que des gains économiques liés au sujet de la qualité de l'air et du niveau de CO2 dans les bâtiments, notre équipe reste à votre disposition pour faire avancer la mise en œuvre de solutions ainsi que des pilotes sur tout type de bâtiment.
J'espère que cet article vous permettra de mieux comprendre le sujet. Tous les commentaires sont évidemment les bienvenus pour proposer des solutions sur le sujet.
RESSOURCES :
- Associations entre les scores des fonctions cognitives et les expositions au dioxyde de carbone, à la ventilation et aux composés organiques volatils chez les employés de bureau : étude d'exposition contrôlée dans des environnements de bureau écologiques et conventionnels : https://ehp.niehs.nih.gov/doi/10.1289/ehp.1510037
- Interprétation des risques liés à la contamination fongique : https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/livres/outil-contamination-fongique/annexe-6-humidite.pdf
- Legislation sur la température au travail : https://www.cchst.ca/oshanswers/phys_agents/temp_legislation.html
- Virus LCI Covid :
https://www.youtube.com/watch?v=u851syACGoY&fbclid=IwAR21wGsN2ryxhEKWyj-DEWFOSS5CcF17zQfCNT9g8OlnovWIjs__5N_NIyI